Des voix s’élèvent au sein du quartier pour dénoncer la politique des quatre piliers et demandent à supprimer les trois autres (thérapie, réduction des risques, prévention) et ne garder que la répression. Nous serions alors dans une situation bien pire encore, avec des personnes malades errant dans les allées (ce qui est déjà partiellement le cas, mais qui le serait encore bien davantage). Dans la situation actuelle, les acteurs publics cherchent avant tout à « contenir », c’est-à-dire à empêcher la propagation de maux encore plus graves, faute de pouvoir améliorer significativement la situation à court terme. Il n’y a bien évidemment pas de baguette magique. Il n’y a que la réalité du travail sans cesse remis sur le métier des autorités, des services publics, des associations, des habitant·es et aussi des usager·ères qui, lorsqu’ils ou elles en sont capables, contribuent à tenter de contenir les conséquences des débordements. Le «Regards croisés» ci-dessous se veut être une invitation à la réflexion sur la cohésion sociale. D’abord, métaboliser en mots ce que cela signifie quand elle est mise à mal. Ensuite, reconnaître l’apport de pré en bulle, de son comité, de son équipe, ainsi que celui de nos collègues de la Ville de Genève, en les invitant à s’exprimer. Sans oublier l’effort dantesque consenti par l’équipe du Quai 9 pour faire face à cette crise de la précarité et de la santé publique. Que tous les autres acteurs intervenant sur ce bout de ville soient ici remerciés. Bien évidemment, on espère voir d’ici peu des améliorations notables de la qualité de vie, qui ne seront dues qu’à la réalité d’un travail collectif colossal. Et au plein cœur de ce quartier mis à mal, une première lueur d’espoir : un espace mis à disposition par la Ville de Genève pour pré en bulle, plaçant ainsi l’animation socioculturelle dans un rôle clé pour prendre soin de la cohésion sociale. LE COMBAT DE PRÉ EN BULLE POUR PRÉSERVER L’ÂME D’UN QUARTIER ÉQUIPE D’ANIMATION ET COMITÉ DE L’ASSOCIATION Pré en bulle, association active depuis 1996 dans les quartiers des Grottes, Cropettes et Montbrillant, propose des activités pour les enfants, adolescent·es et familles, principalement dans l’espace public. Ce quartier, connu pour son histoire de luttes et de revendications pour préserver ses murs et ses habitant·es, compte de nombreuses associations et résident·es engagé·es. Grâce à cet ancrage, pré en bulle a toujours pu compter sur l’implication du quartier, renforçant ainsi la cohésion sociale entre habitant·es et usager·ères des espaces publics. En 2000, le quartier a soutenu, et soutient encore, l’ouverture d’espaces protégés pour les toxicomanes, illustrant son engagement pour une ville inclusive. 25 ans plus tard, pré en bulle observe un essoufflement : dans un canton en pleine croissance, les habitant·es ne peuvent plus porter seul·es cette politique. Les nuisances se multiplient : bruit, insalubrité par manque d’espaces sanitaires, commerce illégal, conflits entre dealers, nuisances nocturnes, ivresse publique… Les préoccupations des résident·es peinent à être entendues. Beaucoup de personnes investies quittent le quartier faute de moyens, de vision et de réponses adéquates des autorités pour préserver le vivre-ensemble. Ces personnes sont souvent remplacées par des personnes moins impliquées accentuant la perte de lien social et de participation démocratique. En laissant faire, la cohésion du quartier s’étiole, les habitant·es et les jeunes participent moins aux activités. Désormais, des enfants sont « interdits » de la place des Grottes, pourtant lieu emblématique du quartier, jugée trop dangereuse. Pré en bulle a obtenu une arcade sur cette place et espère que ce déménagement aidera les familles et les enfants à se sentir légitimes pour occuper l’espace public. Nous rêvons aussi que d’autres arcades accueillent des activités positives, et que cette initiative contribue à une prise de conscience plus large, en vue de réponses cantonales à une problématique trop longtemps ignorée. La place des Grottes transformée en terrain de jeux par les enfants. RAPPORT ANNUEL 2024, ANALYSE 29
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