FASe - Rapport Annuel 2020

33 32 RAPPORT ANNUEL 2020, ANALYSE RAPPORT ANNUEL 2020, ANALYSE DES ANIMATIONS DE RUE POUR GARDER LE LIEN Criée publique Pendant le semi-confinement du printemps et sur six mercredis, Thibaut Lauer et Floriane Pfister, animateur et animatrice sociocultu- relle, ont fait revivre la coutume du crieur public. Muni·es d’un mégaphone et d’un téléphone, les deux complices ont arpenté le quartier pour diffuser les textes, chansons ou poèmes reçus des habitant·es. Concerts sous les balcons La maison de quartier a invité le chanteur et guitariste Mark Kelly (CH/UK) pour trois concerts itinérants le vendredi 18 décembre. L’artiste s’est installé au bas des immeubles pour propager sa musique et ses bonnes éner- gies. Une manière de maintenir le lien avec le public et d’apporter une note d’optimisme en fin d’année. «Et lorsque vous-même, comme tout un chacun, devenez fou – au minimum fou de joie, fou de colère, d’amour ou bien pris de fou rire – ne vous arrive-t-il pas de surprendre un petit bruit insolite et insistant qui trahit l’existence d’une faille in- quiétante au cœur des machineries du pouvoir ?» Félix Guattari 1 La crise sanitaire que nous subissons depuis plusieurs mois prétérite indiscutablement les conditions du vivre-ensemble. Dans une telle situation, de nombreux clivages apparaissent ou s’endurcissent. Sous cet angle, l’animation socio- culturelle mérite d’être pleinement considérée, car elle est porteuse de compétences essentielles à valoriser et à mettre en œuvre au profit de la société dans son ensemble. Reprenons le propos initial de Félix Guattari tout en nuançant l’utilisation du terme « inquiétant » dans le contexte présent. Ce petit bruit insolite et insistant parle davantage d’une inquiétude, de l’exigeante attention de membres associatifs et de professionnel·les impliqué·es en faveur d’un quartier, de ses habitants et habitantes et de sa cohésion sociale. L’auteur nous invite à question- ner la notion de normalité et il donne une valeur toute particulière à ces moments de lâcher-prise, lorsque ceux-ci s’écartent des conventions so- ciales, pour s’autoriser. Mais alors, que fait l’ani- mation socioculturelle de ce petit bruit dans un moment de souffrance collective ? DYNAMISME D’UNE ASSOCIATION DE PROXIMITÉ Inédit, le recalibrage des prestations publiques effectuées au printemps et l’évidente période de transition qui s’en est suivie a amené les acteurs et actrices de terrain à se réinventer. Pendant ce temps – dans les premiers moments de l’urgence – le tissu associatif s’est révélé essentiel, de par sa souplesse et sa réactivité. De plus, engagée de longue date et dans la durée, l’expertise locale d’une association de quartier constitue le fonde- ment d’une connaissance fine des besoins réels, telle, sans prétention, notre association. L’effica- cité des échanges entre le comité et l’équipe de la maison de quartier a permis la concrétisation d’un éventail de projets. C’est ainsi, dans le res- pect des règles sanitaires, que des actions, certes modestes mais originales, ont tenté de prendre soin du quartier, avec douceur et générosité. CRÉATIVITÉ D’UNE PROFESSION SOUS CONTRAINTES Pendant le semi-confinement, de nombreux outils généralement utilisés en maisons de quartier ont été mis à l’arrêt. Ainsi, afin d’accompagner la po- pulation pendant la rigueur des mesures sanitaires, des pratiques ont été revisitées pour répondre au- trement aux besoins de lien social. Notre respon- sabilité d’acteurs et d’actrices de terrain proches du quotidien des enfants, des jeunes et de la po- pulation en général, nous a amené à réfléchir à la façon de préserver au mieux une présence, une régularité, un regard bienveillant, une invitation à l’échange. Par la créativité d’une profession aux compétences multiples et la volonté de maintenir ce qui pouvait l’être, l’équipe d’animation a mis en place de nombreuses propositions : ateliers artistiques et sportifs par le biais du numérique, animations culturelles aux fenêtres et balcons, contacts téléphoniques et lettres hebdomadaires pour une proximité maintenue, soutiens aux per- sonnes vulnérables, présences dans le quartier et accompagnements individuels. AU CŒUR D’UN QUARTIER L’animation socioculturelle développe des outils qui, in fine, visent à rompre avec les processus d’exclusion sociale, à soutenir et à restaurer le pouvoir d’agir des habitant·es et à renforcer la cohésion sociale d’un quartier. C’est pour- quoi, proches du quotidien d’individus vivant des situations complexes, les maisons de quar- tier constituent un maillage spécifique dans le dispositif social, celui d’une connaissance fine d’un terrain qui révèle des réalités souvent ou- bliées. Lors de cette triste période de pandémie, les souffrances de nombreuses personnes ont mobilisé les équipes de terrain : isolement des ainé·es, solitude de celles et ceux vivant diverses formes de précarité, difficultés multiples pour les Le quartier de la Concorde – à cheval entre les communes de Genève et de Vernier – dispose d’une maison de quartier affiliée à l’Association des Habitant·es du Quartier de la Concorde (AHQC). Comment l’animation socioculturelle et son indispensable support associatif ont pris soin du quartier et de ses habitant·es durant l’année 2020? familles, sentiment d’abandon pour les jeunes en particulier concernant l’accompagnement socioprofessionnel… Les situations inquiétantes ne manquent pas. En quête de reconnaissance et de valorisation de la singularité des habitant·es d’un quartier, l’ani- mation socioculturelle inscrit donc son action au cœur d’un grand élan d’émancipation individuelle et collective. Ce dernier octroie à chacun·e une place dans un ensemble qui se co-construit en douceur et accorde une large place à l’empathie. Cette soustraction de posture interventionniste confère à l’animation socioculturelle une place aussi bien essentielle qu’atypique pour combattre les inégalités sociales et se frotter aux machine- ries du pouvoir. Association des Habitant·es du Quartier de la Concorde (AHQC) et l’équipe de la Maison de quartier La Concorde PRENDRE SOIN D’UN QUARTIER EN TEMPS DE CRISE 1 Félix Guattari, La révolution moléculaire , p. 285, édition Les Prairies ordinaires, 2012. © Anne Colliard Le chanteur et guitariste Mark Kelly en concert au pied des immeubles.

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